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Energie : Non, le maintien de la centrale nucléaire de Fessenheim n’aurait pas suffi à résoudre la crise

  • Les appels à la sobriété énergétique du gouvernement passent mal : des tweets mettent en cause Elisabeth Borne, qui a mis en œuvre la fermeture de la centrale de Fessenheim en 2020.
  • Francois-Marie Bréon, physicien et climatologue, favorable au nucléaire, souligne que la puissance qui risque de manquer au pays est « très largement supérieure » à ce que pouvait fournir au mieux Fessenheim, soit 1,8 GW de puissance installée.
  • « Le maintien en service de Fessenheim réduirait un peu la pression, mais ne serait pas du tout de nature à éviter la crise », abonde Yves Marignac, expert nucléaire de l’Institut négaWatt, qui soutient le développement des énergies renouvelables.

Alors que le gouvernement multiplie les appels à la sobriété énergétique et que le prix du marché du mégawattheure explose, la fermeture de centrales nucléaires est revenue dans le débat. Des tweets viraux ont ainsi critiqué la politique menée pendant le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, alors qu’Elisabeth Borne était ministre de la Transition écologique.

Rappelant qu’elle avait mis en œuvre la fermeture de la centrale de Fessenheim en 2020, Stéphane Ravier, sénateur Reconquête, s’en est pris à celle qui est depuis Première ministre. Elle aurait selon lui « organisé le saccage du parc nucléaire » et viendrait maintenant « pleurnicher » en appelant les entreprises à la sobriété.

 

Pour Marc Dubief, adjoint au maire de Bron (LR), Emmanuel Macron est le premier responsable. « Le #Rationnement c’est lui ! Une faute historique », dénonce-t-il, se référant à la fermeture de Fessenheim et à la volonté d’en fermer « 14 autres ».

Laurent Alexandre, le médiatique chirurgien, a de son côté piqué une colère sur RTL le 29 août. Il s’est dit « profondément scandalisé » par les propos d’Elisabeth Borne sur la sobriété énergétique. « Après avoir organisé la pénurie énergétique en France, […] dit-il, elle aurait dû commencer par demander pardon aux Français d’avoir fermé des centrales nucléaires, énergie qui aujourd’hui manque cruellement au pays. »

FAKE OFF

La crise énergétique aurait-elle pu être évitée si la centrale nucléaire de Fessenheim n’avait pas été fermée ? Non, répondent les experts que nous avons interrogés. Il faut également rappeler que seule la centrale nucléaire de Fessenheim est fermée ; le premier réacteur a été arrêté en février 2020, et le second fin juin 2020, le site étant en prédémantèlement. La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) 2019-2028 prévoit par ailleurs la fermeture de 14 réacteurs, et non 14 centrales, avant 2035.

Mais dans son discours de Belfort, en février 2022, Emmanuel Macron a défendu la prolongation de « tous les réacteurs qui peuvent l’être », au-delà de 50 ans si possible, soit après 2035. Il avait aussi annoncé vouloir construire six nouveaux réacteurs EPR en France.

La puissance qui risque de manquer est « très largement supérieure »

« Ne pas avoir fermé Fessenheim irait dans le bon sens, estime François-Marie Bréon, physicien, climatologue et favorable au nucléaire dans la lutte contre le réchauffement climatique. Mais il ne faut pas laisser croire qu’on n’aurait pas de problèmes si on avait laissé Fessenheim ouverte, ce serait un gros mensonge. »

Il souligne que la puissance qui risque de manquer est « très largement supérieure » à ce que pouvait fournir au mieux Fessenheim, soit 1,8 GW de puissance installée avec ses deux réacteurs. « Ce serait toujours 1,8 GW de moins à trouver, mais avec le parc nucléaire aujourd’hui, on est entre 10 ou 20 GW de moins qu’habituellement ». En fin de semaine dernière, 32 réacteurs nucléaires sur 56 étaient à l’arrêt. La raison : des problèmes de corrosion affectent 12 réacteurs et le calendrier de maintenance du parc a été retardé par le Covid-19. Des tensions sont redoutées cet hiver, avec la crainte de coupures temporaires d’électricité (ou de gaz) en cas de pic de froid.

Des travaux importants auraient dû être prévus

« Le maintien en service de Fessenheim réduirait un peu la pression, mais ne serait pas du tout de nature à éviter la crise », abonde Yves Marignac, chef du pôle énergies nucléaire et fossile de l’Institut négaWatt, qui soutient le recours aux énergies renouvelables dans la transition énergétique. Il ajoute que la prolongation de Fessenheim aurait nécessité des travaux importants pour s’aligner sur les exigences post-Fukushima, « des coûts supplémentaires qu’EDF n’était peut-être pas prêt à assumer », pointe-t-il.

Yves Marignac avance un autre argument : le retard pris par la France pour respecter la trajectoire 2030 de développement des énergies renouvelables dans l’Union européenne. Selon les données du ministère de la Transition écologique, elles représentaient 19,1 % de la consommation finale d’énergie en 2020. Or, l’objectif était fixé à 23 %. Ce retard représente « au moins quatre fois la production que pourrait produire aujourd’hui Fessenheim », souligne-t-il. « Et les potentiels non activés en termes d’efficacité et de sobriété sont au moins dix fois supérieurs à la production de Fessenheim », plaide-t-il encore. Il voit, dans ces prises de position, une « nostalgie du tout nucléaire à côté de la plaque par rapport aux enjeux ».

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