BOULOT Le droit à la déconnexion est reconnu par le Code du travail depuis 2017. Mais de la théorie à la pratique, il y a encore du chemin à faire
Êtes-vous du genre à consulter vos mails professionnels le soir et le week-end ? Répondez-vous aux appels de votre supérieur même une fois votre journée terminée ? Les vacances riment-elles pour vous avec votre ordinateur pro dans la valise ? Comme une majorité de Français, vous êtes donc hyperconnecté à votre job.
Une hyperconnexion permanente
S’il est difficile de trouver des données officielles sur une notion aussi subjective, différentes études dénoncent depuis de nombreuses années l’effet d’hyperconnexion provoqué par la généralisation des outils numériques dans la sphère professionnelle. Face aux sollicitations omniprésentes des e-mails, chats et autres réseaux pros, les actifs peinent à décrocher. Dès 2014, le site spécialisé Cadreo.com estimait que 27 % des cadres continuaient à travailler pendant leurs vacances. En 2018, c’est la plateforme d’intérim Qapa.fr qui révélait que 62 % des travailleurs répondaient à leurs appels ou à leurs e-mails professionnels pendant leurs congés, contre 71 % en 2020.
Et l’essor du télétravail du fait de la pandémie de coronavirus n’a évidemment fait qu’aggraver la situation. D’après une enquête réalisée au printemps 2020 par l’agence européenne Eurofound, plus d’un tiers des travailleurs de l’UE ont en effet commencé à télétravailler pendant le confinement (contre 5 % avant la crise). Or, 27 % des personnes exerçant leur job à domicile ont déclaré avoir travaillé pendant leur temps libre afin de satisfaire les exigences de travail.
Des modalités à la carte
Pourtant, le droit à la déconnexion est entré en vigueur en France dès 2017, après avoir été instauré par la Loi travail. Sans pour autant donner de définition légale, l’article L. 2242-17 du Code du travail indique qu’il s’agit « d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale ». Si l’idée générale fait consensus, c’est la mise en pratique qui pêche. L’État a en effet renvoyé les modalités d’exercice aux accords d’entreprise. Cette question fait partie des sujets obligatoirement abordés dans le cadre de la négociation collective sur la qualité de vie au travail, qui doit avoir lieu chaque année dans les sociétés de plus de 50 salariés (ou tous les quatre ans selon l’accord collectif). L’objectif est d’envisager des dispositifs pratiques visant à assurer l’effectivité de ce droit et à réguler l’utilisation des outils numériques.
À défaut d’accord, l’employeur doit en passer par une charte élaborée après avis du Comité social et économique (à partir de 11 salariés), afin de notamment prévoir des « actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques ». Quant aux salariés des plus petites entreprises, ils doivent s’en remettre, comme souvent, à la bonne volonté de leur employeur. Qu’importe de toute façon la taille de la société, puisque la loi n’impose pas d’obligation de résultat. De ce fait, aucune sanction n’est prévue lorsque les dispositions légales du droit à la déconnexion ne sont pas mises en œuvre.
Faire bouger les lignes
De plus en plus de hautes institutions se penchent sur les conséquences négatives de cette connexion permanente. Le fait d’être constamment disponible en dehors de ses heures de travail entraînerait en effet un risque accru de dépression, d’anxiété et de burn-out chez les salariés. Autant de dangers psycho-sociaux qui ont été intensifiés par la pandémie et une généralisation souvent erratique du télétravail.
Dans une résolution du 21 janvier 2021, le Parlement européen préconise d’ailleurs de reconnaître le droit à la déconnexion comme fondamental et de le réglementer explicitement au sein de l’UE.