HÔTELLERIE-RESTAURATION Le projet de loi immigration créerait notamment un titre de séjour spécifique pour les personnes étrangères travaillant dans les métiers ayant du mal à recruter
- L’Assemblée débat ce mardi autour du projet de loi sur l’immigration, qui sera voté en 2023.
- Le texte propose notamment de régulariser davantage de travailleurs étrangers employés dans des secteurs en manque de main-d’œuvre.
- Une idée qui fait l’unanimité économiquement parmi les experts interrogés par 20 Minutes. Mais tous préviennent qu’il ne faut pas surestimer les bénéfices.
Pas de temps à perdre pour Thierry Marx. A peine un mois après son élection à la tête de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih), le chef étoilé a appelé le gouvernement à intégrer l’hôtellerie-restauration dans la liste des « métiers en tension », afin de faciliter le recrutement de personnel étranger. Le projet de loi sur l’immigration, censé débarquer en 2023 et sujet d’un premier débat (sans vote) ce mardi à l’Assemblée, prévoit la création d’un titre de séjour spécifique aux employés étrangers de ces métiers en manque d’effectifs.
Car avec la fin de la crise sanitaire, qui a chamboulé le rapport et la place du travail, de nombreuses professions rencontrent des difficultés de recrutement. En cause : des salaires jugés insuffisants et des conditions de travail parfois difficiles – horaires décalés, charge physique importante… Or pour le moment, ni l’hôtellerie ni la restauration ne font partie de cette liste des « métiers en tension » donnée par le gouvernement, alors que Thierry Marx chiffre à 200.000 le nombre de postes vacants dans chacune des deux professions.
Diminution de la pression
« Les employeurs de certains secteurs reconnaissent travailler avec une main-d’œuvre d’origine étrangère importante, pour laquelle il est parfois difficile d’obtenir des titres de séjour ou de les régulariser », indique Christine Erhel, économiste et spécialiste du marché du travail. Difficile d’avoir des chiffres précis vu le caractère illégal de la chose. C’est notamment ce qu’évoque Thierry Marx dans son appel au gouvernement, en demandant « une régularisation rapide de nos salariés étrangers reconnus pour leurs compétences et qui se retrouvent plongés dans l’illégalité du jour au lendemain ».
Actuellement, entre 6.000 et 8.000 personnes sont régularisés chaque année en France par le travail, renseigne Jean-Christophe Dumont, chef de la division des migrations internationales au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). La loi qui se présente, laquelle permettrait de doper ce total grâce à des critères allégés, serait « une piste assez logique dans la mesure où ce sont des gens qui travaillent déjà ou sont prêt à le faire, déjà sur le territoire français et compétents par rapport aux attentes, et souvent avec une expérience », estime Christine Erhel. Constat similaire chez Thomas Coutrot, économiste spécialiste de l’emploi : « Une telle loi pourrait permettre de diminuer un peu la pression sur ces secteurs, vitaux à l’économie. »
Pas de miracle sans régler les problèmes structurels
Vous l’aurez compris au vocabulaire utilisé, « il ne s’agit pas d’une solution miracle qui va gommer toutes les difficultés de recrutement », nuance Christine Erhel. Pour la spécialiste, le seul titre de séjour ne sera pas suffisant pour rendre ces métiers attractifs et esquiver ainsi le débat sur les conditions de travail et de rémunérations.
De toute manière, la régularisation évoquée dans le projet de loi ne devrait concerner que des personnes étrangères déjà présentes sur le territoire et seulement sous certaines conditions bien spécifiques. Dit plus clairement par Jean-Christophe Dumont : « Certes, des milliers de travailleurs pourraient être régularisés, mais en aucun cas un nombre suffisant pour régler la pénurie de main-d’œuvre. Pour cela, il faut s’attaquer aux problèmes structurels ». Retour donc aux salaires et aux conditions de travail.
Et que répondre aux critiques évoquant un hypothétique « appel d’air » que créerait ces régularisations ? Selon Thomas Coutrot, toutes les études économiques montrent que les travailleurs immigrés n’ont pas d’influence négative sur le niveau d’emploi des salariés déjà résidants. Anne Eydoux, maîtresse de conférences d’économie au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), se montre, elle aussi, on ne peut plus claire : « Régulariser les sans-papiers n’aura pas de conséquences négatives sur l’emploi, les salaires, les conditions de travail, contrairement à leur exploitation. Ils n’empêcheront pas non plus de mener une politique de revalorisation salariale ou d’amélioration des conditions. »