- Le tribunal de commerce de Marseille a mis en délibéré au lundi 20 février sa décision concernant l’avenir de San Marina.
- Des salariées de l’enseigne de chaussures se préparent à l’inéluctable, et regrettent notamment « un manque de risque dans les collections ».
L’avenir de San Marina sera scellé le 20 février prochain mais la « douche froide » est d’ores et déjà passée pour les salariés de l’enseigne de chaussures. « On sait très bien que l’on va à la liquidation, il n’y a plus d’espoir de reprise », souffle Christine Dalmasso, 28 ans d’ancienneté dans l’entreprise, qui a gravi les échelons jusqu’à devenir adjointe du magasin de La Valette, près de Toulon. Comme les plus de 600 salariés en France, elle a appris lundi que les deux actionnaires abandonnaient leur offre de reprise de 49 magasins, sur les 163 que compte le groupe, faute de financements.
Et l’audience de ce vendredi au tribunal de commerce de Marseille – le siège de l’entreprise se trouve à Gémenos (Bouches-du-Rhône) – enfonce encore un peu plus le clou. La dizaine d’offres de reprises présentées n’aurait guère convaincu, notamment sur le nombre trop restreint de magasins et d’emplois sauvegardés. « Tous s’accordent à dire, entre administrateurs judiciaires et salariés, qu’elles sont irrecevables », affirme à l’AFP Helmi Farhat, secrétaire du comité social et économique.
Pour l’heure, tant que le tribunal n’a pas rendu son délibéré, l’activité de San Marina et de ses magasins se poursuit normalement. « J’ai commencé à chercher ailleurs », confie Deborah Basquin, 42 ans et sept ans d’ancienneté pour San Marina. Mais le cœur est un peu lourd : « Mon magasin ne fait pas partie du PSE déjà engagé, il n’est pas déficitaire. Nous n’avons pas subi de baisse du chiffre d’affaires, nous avons rempli l’objectif de l’an dernier. » Alors que le magasin du centre-ville de Metz a dû fermer en décembre, celui de Deborah, lumineux et implanté au centre commercial Waves Actisud en périphérie, a bien résisté. Malgré les livraisons qui ont tardé à l’annonce du redressement judiciaire en septembre : « Les transporteurs ont bloqué. Quand on reçoit les bottes au mois de décembre, c’est trop tard. »
« Le coup de grâce »
Elle regrette le « manque de risques » dans les collections et aussi les « mauvais choix », comme l’arrêt cette saison de l’escarpin Galicia au chausson très confortable, un classique de la maison. « Toute notre clientèle l’adorait, on l’avait fait remonter pourtant, mais on n’écoute jamais assez le terrain. » « Mais le coup de grâce a été la décision de la Cour de cassation de faire payer tous les loyers Covid », estime-t-elle. Dans le Sud, sa collègue Christine Dalmasso pointe aussi « une gestion de l’entreprise et des collections qui ne sont pas au rendez-vous ». « A la base San Marina, c’est une marque d’un bon rapport qualité prix, assez populaire, on cartonnait, rappelle-t-elle. Il y a un tournant plus moderne qui n’a pas été pris. On a perdu les clientes. »
L’une et l’autre racontent aussi les habitudes qui ont changé, avec le commerce en ligne et la concurrence à bas prix. « C’est une marque française qui existe depuis 1981 et qui faisait partie du paysage des chausseurs, ce qui fait de la peine c’est qu’elle n’existera plus », disent-elles chacune, à des kilomètres de distance. Elues du personnel, elles s’apprêtent à accompagner le processus de liquidation sans doute à venir. A 50 ans, Christine Dalmasso veut ensuite définitivement tourner la page du commerce. Sa voix est émue lorsqu’elle évoque toutes ces années passées chez San Marina, où elle est entrée avec un contrat de quelques heures. Elle emmenait ses enfants, petits, au magasin lorsqu’ils étaient malades, « quand cela était encore possible. ». L’avenir ? « Ce sera toujours dans le relationnel, mais dans le soin, confie-t-elle. Je pense à devenir aide-soignante. »