Anne-Sophie Alsif, cheffe économiste au Bureau d’informations et de prévisions économiques (BIPE), estime que l’objectif du gouvernement est avant tout d’augmenter les prestations sociales.
Anne-Sophie Alsif, cheffe économiste au Bureau d’informations et de prévisions économiques, décrypte la stratégie du gouvernement pour augmenter le pouvoir d’achat des salariés au smic sans accroître leur revenu net.
Le smic va augmenter de 0,99 % en 2021, à 1 554,58 euros brut. Est-ce suffisant ?
ANNE-SOPHIE ALSIF. En économie, il a toujours existé une corrélation entre le coût du travail et l’emploi. On pense que plus le revenu minimum est élevé et plus il a un impact sur la création d’emplois : si les chefs d’entreprise doivent supporter une hausse des salaires, cela les découragera d’embaucher. L’objectif du gouvernement est donc d’augmenter légèrement le smic sans pénaliser les entreprises. Sa stratégie est surtout d’augmenter les prestations sociales.
C’est-à-dire ?
Depuis plusieurs quinquennats, les aides sociales et fiscales dont les salariés au smic peuvent en partie bénéficier se sont multipliées. Après la crise des Gilets Jaunes, les mesures en faveur du pouvoir d’achat des plus modestes qui ont été votées ont nettement amélioré le revenu disponible des ménages. L’augmentation de la prime d’activité a été notamment l’un des leviers les plus nets pour augmenter le pouvoir d’achat des Français au smic. La stratégie du gouvernement, ce n’est pas d’augmenter le smic mais de proposer des aides à côté pour augmenter le niveau du revenu disponible.
Pour permettre aux ménages modestes de mieux vivre ?
Oui bien sûr. Mais pas seulement. Aujourd’hui, tous les plans de relance sont basés sur une reprise de la consommation. Si les gens épargnent, la croissance ne repartira pas. Les bas salaires épargnent peu et consomment la quasi-intégralité de leurs ressources : leurs revenus sont directement réinjectés dans l’économie. Si les aides sont en hausse pour améliorer leur pouvoir d’achat, cet argent finira de toute façon dans l’économie réelle et non sur un compte épargne. Ce n’est pas un investissement vain.
Mais multiplier les aides coûte cher aux finances publiques…
C’est vrai. Et on peut s’interroger aussi sur le fait que ce soit le rôle de l’Etat de financer ces aides à la place d’une hausse des salaires payée par les entreprises. Mais dans le contexte économique actuel, il n’est pas question d’alourdir la charge des entreprises déjà mal en point. Les conséquences sur l’emploi seraient trop lourdes.
Peut-on imaginer un changement de stratégie quand la France aura renoué avec la croissance ?
Aucun risque au moins avant le prochain quinquennat. Après, il faudra voir. Ces dernières années, le smic a peu augmenté aussi car le mode de calcul pour sa revalorisation est basé – entre autres – sur l’inflation. Si cette dernière augmente dans les années qui viennent, le smic sera automatiquement revalorisé.