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Recrutement AP-HP : Après la crise du Covid, les hôpitaux parviendront-ils à renouveler leur personnel soignant ?

EMPLOI Le premier employeur d’Ile-de-France lance une campagne de recrutement sur des métiers en tension, pour renforcer les équipes ou remplacer les départs naturels

  • Si la crise du Covid a donné un coup de projecteur parfois sombre sur les conditions de travail du personnel hospitalier, ces professions attirent toujours autant les jeunes.
  • En revanche, les différentes enquêtes montrent que les hôpitaux peinent à garder leur personnel, souvent empreint à une désillusion sur le métier.
  • Proposer des plans de carrières, des formations et mettre les moyens pour améliorer les conditions de travail sont nécessaires pour les représentants de la profession.

Ce lundi signe le top départ d’une campagne de recrutement de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP). Si la démarche a lieu tous les ans, cette année le CHU d’Ile-de-France a mis les bouchées doubles afin de mener « une campagne d’envergure pour démultiplier ses capacités de recrutement » de 4.000 personnes dans les domaines du soin, logistique et technique ou encore administratif, pour ses 39 hôpitaux. En détail, ce sont 2.000 infirmiers et infirmières qui sont notamment recherchés, ainsi que 900 aides-soignants et aides-soignantes. Objectif affiché : « renforcer l’attractivité de l’ AP-HP et fidéliser les professionnels qui y travaillent ».

À première vue, la tâche ne s’annonce pas simple. La crise du Covid-19 a mis en lumière le manque de moyens, et les professionnels sont à bout après 15 mois de crise sanitaire. «  Le personnel est épuisé. Physiquement, à cause du nombre de mois passé à lutter et psychologiquement, parce qu’on manquait de matériel, qu’on a dû faire des choix sur les patients à envoyer en réanimation, qu’on a passé des mois dans le Covid, au travail comme à la maison sans pouvoir recharger les batteries », résume Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat National des Professionnels Infirmiers (SNPI).

Contrairement aux années passées, il n’y a pas eu de pause l’été, généralement une période creuse durant laquelle le personnel peut souffler. « Selon notre enquête réalisée auprès de 70.000 infirmiers et infirmières en France en octobre 2020, ils étaient 37 % à envisager de quitter la profession à terme et 40 % en avril dernier », souligne Patrick Chamboredon, président de l’Ordre national des infirmiers.

Un décalage entre le rêve pendant les études et la réalité du terrain

A première vue, pas de quoi faire rêver la relève et pourtant… « La plateforme Parcoursup montre que la profession d’infirmier et d’infirmière est une formation très demandée. Il y a environ 100.000 demandes pour 35.000 places en IFSI », relève Patrick Chamboredon, qui souligne que la revalorisation des salaires avec le Ségur de la Santé a en partie contribué à cette attractivité. Mais, pour les deux représentants du secteur, le problème ne se situe pas à l’entrée, mais à l’intérieur de l’hôpital. « Il y a un décalage entre ce que l’on projette pendant les études et la réalité sur le terrain », explique le président de l’Ordre national des infirmiers.

« En formation, on apprend que chaque patient est unique et qu’il faut le traiter comme tel. Mais quand on arrive à l’hôpital, on est face à un processus bien plus industriel, où on n’a pas le temps d’accompagner le patient, d’être à l’écoute. Il y a alors le sentiment de mal faire son travail et une perte de sens », rapporte Thierry Amouroux. Il rappelle que, selon la direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques (Drees), 30 % des jeunes diplômés infirmiers abandonnent la profession dans les cinq ans qui suivent la sortie d’école. « Ils changent de voix, passent en libéral ou vont à l’étranger, dans des pays qui les rémunéreront mieux », détaille le porte-parole du SNPI.

« Réenchanter l’hôpital »

Le véritable enjeu se situe donc moins sur le fait d’attirer de nouveaux professionnels que de les garder. Pour y parvenir, plusieurs solutions. Patrick Chamboredon insiste sur le fait qu’il faut absolument proposer un fil conducteur de carrière. « Que cela soit pour ceux qui veulent faire des spécialités, de l’administratif ou du management, ceux qui s’intéressent à la pratique avancée ou enfin ceux qui voudraient raccrocher des études de médecine. En résumé, c’est à la fois donner des directions et du sens à une profession qui a besoin d’évoluer en fonction des besoins des patients et des nouvelles technologies ». L’AP-HP semble en avoir conscience, et en a d’ailleurs fait son slogan de campagne : « Entrer pour son métier, rester pour évoluer ».

Sans grande surprise, fidéliser le personnel de santé aura également un prix, souligne Thierry Amouroux, selon qui il va falloir « réenchanter l’hôpital ». « Plus on dégrade les conditions de travail, plus les gens partent, plus les conditions se dégradent, plus les gens partent. Il y a un effet boule de neige ». Il estime donc nécessaire de rouvrir des lits, créer des postes et revaloriser les salaires « qui, malgré le Ségur, restent 10 % en dessous du salaire moyen européen ». Autant de mesures à mettre en place dans les prochaines années pour ne pas courir à la catastrophe. La Drees a estimé qu’il faudrait près d’un million d’infirmiers d’ici 2040 pour répondre aux besoins d’une population de plus en plus vieillissante, avec des maladies chroniques, et également un grand nombre de personnels qui prendra sa retraite.

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