Non seulement les cadres à hauts revenus ne vont pas cotiser 10 fois moins que les autres, mais ils figurent parmi les principaux perdants de la réforme. Décryptage.
Avec la réforme des retraites, les salaires à moins de 10 000 € cotiseront 28 % quand les salaires de plus de 10 000 € ne cotiseront qu’à 2,8%. Les propos de Thomas Piketty sur l’antenne de France inter lundi ont suscité une vague d’indignation sur les réseaux sociaux. Et pour cause. Mais ils sont faux. Non, le taux de cotisation retraite des cadres aux plus hauts revenus (plus de 10 000 € par mois) ne sera pas 10 fois inférieur à celui des smicards, contrairement à ce qu’il a laissé entendre. Des déclarations qui ajoutent du flou à une réforme qui n’en a vraiment pas besoin…
Selon le rapport de Jean-Paul Delevoye, dans le futur système à points, tous les salariés, quel que soit leur niveau de rémunération, seront soumis à la même cotisation : 28,12 %, payée à 60 % par l’employeur et à 40 % par les salariés. Cette cotisation se compose d’une part dite « contributive », qui permet d’acquérir des droits à la retraite.
Sur ces 28,12%, seuls 25,31% seront générateurs de droits et les 2,81% suivants serviront au financement du système. La part des 25,3 % de cotisations sur les revenus sera plafonnée dans la limite de « 3 Pass » (Plafond annuel de la sécurité sociale). Il était fixé à 40 524 € en 2019, ce qui signifie qu’au-delà de 121 626 € de salaire brut annuel (10 135 € par mois), les cadres ne verseront pas cette cotisation. Mais ils n’auront, en retour, aucun droit à retraite sur toute la partie de leur salaire dépassant ces 121 626 €.
Les 2,8 % de cotisations citées par l’économiste correspondent en réalité à la part dite « non contributive » de la cotisation de retraite : elle est plus précisément de 2,81 % du salaire et, contrairement à la part contributive, elle n’est pas plafonnée. Autrement dit, les cadres percevant une rémunération annuelle supérieure à 121 626 € verseront cette cotisation de 2,81 % sur la totalité de leur salaire sans forcément en tirer bénéfice.
Les cotisations non contributives servent en effet à financer les dispositifs de solidarité de notre système de retraite : le minimum vieillesse, les droits familiaux (trimestres et majorations de pensions accordés aux parents), les trimestres accordés durant les périodes d’inactivité (chômage ou maladie), les départs anticipés accordés aux carrières longues ou pénibles…
Dire que les cadres à hauts revenus ne tireront aucun bénéfice de cette cotisation est tout aussi faux : être riche n’a jamais empêché de connaître des périodes de chômage, de tomber malade ou d’avoir des enfants ! En 2016, la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) a estimé que le montant global des dispositifs de solidarité a représenté 16,3 % du montant des droits à retraite directe et concerné 14,9 millions (91,4 %) des 16,1 millions de retraités.
On peut toutefois considérer que ces hauts revenus financeront davantage les dispositifs de solidarité que les autres puisque leur cotisation est assise sur leur salaire. Ce qui n’a rien de scandaleux : c’est l’essence même de la solidarité.