Accueil Économie Sobriété énergétique : Va-t-on vers une généralisation du vendredi en télétravail ?

Sobriété énergétique : Va-t-on vers une généralisation du vendredi en télétravail ?

ENTREPRISE Fermer les locaux ce jour-là pourrait permettre aux entreprises de faire des économies d’énergie. Mais ce n’est pas si simple

  • Face à la flambée des prix de l’énergie, certaines entreprises songent à revoir l’organisation du travail pour fermer entièrement leurs locaux le vendredi.
  • Une idée qui est pourtant difficile à mettre en œuvre sur le terrain, car elle pose des problèmes juridiques et organisationnels.
  • Et les syndicats n’y sont a priori pas favorables, à moins de réelles compensations pour les salariés.

Recherche mesures d’économies d’énergie désespérément. Face à l’envolée prévue dans les prochains mois des factures de gaz et d’électricité, les entreprises pistent les moyens de réduire leur consommation. « C’est un sujet d’inquiétude majeur, car il existe un risque systémique pour les entreprises qui pourraient ne pas réussir à payer leurs factures », explique Eric Chevée, vice-président chargé des affaires sociales de la CPME (Confédération des PME).Une des solutions préconisées par le gouvernement, dans son plan sobriété dévoilé en octobre, est d’ « encourager le recours au télétravail afin d’économiser sur les déplacements et d’optimiser l’usage des bâtiments ». Une suggestion qui n’est pas tombée dans l’oreille de sourds, certaines entreprises envisageant de généraliser le télétravail le vendredi pour éviter de chauffer certains bâtiments. Une initiative prise par Air France, laquelle a annoncé en septembre la fermeture de son siège social et de plusieurs sites le vendredi.

« C’est une fausse bonne idée »

Si cette mesure apparaît comme une bonne idée pour certains employeurs, c’est que le taux d’occupation des bureaux le vendredi est parfois très faible par rapport aux autres jours de la semaine, beaucoup de salariés ayant déjà décidé de télétravailler ce jour-là. « Cela peut sembler une mesure de bon sens de ne pas chauffer ni éclairer des plateaux aux trois quarts vides le vendredi. Et d’avoir trois jours d’affilée de fermeture des locaux. Ça peut permettre de réaliser des économies substantielles », estime Eric Chevée.Mais à y regarder de plus près, la généralisation du télétravail le vendredi est loin d’être facile à mettre en place. D’abord parce qu’elle ne sera pas très efficace d’un point de vue environnemental : « C’est une fausse bonne idée, car cela ne fait pas consommer moins d’énergie : celle qui ne le sera pas au bureau le sera au domicile », estime Fabrice Angéï, secrétaire confédéral de la CGT. Par ailleurs, elle poserait des questions d’organisation. Il faudrait renégocier les contrats avec les sous-traitants de l’entreprise, par exemple les services de nettoyage et de gardiennage, pour qu’ils n’interviennent plus le vendredi pendant quelques mois. « Par ailleurs, un tiers des emplois sont télétravraillables. Donc toutes les entreprises ne pourraient pas le faire. C’est une mesure pour les cols-blancs, plutôt que pour les cols-bleus », souligne Eric Chevée.

Impossible d’imposer le télétravail

Se posent aussi des questions juridiques : « Un employeur ne peut pas obliger son salarié à accepter le télétravail. Sauf dans des circonstances exceptionnelles ou dans un cas de force majeure, comme c’était le cas lors de la pandémie. Mais la crise énergétique n’est pas considérée comme telle. Donc un salarié souhaitant venir au bureau le vendredi parce qu’il n’a pas de bonnes conditions pour travailler à la maison pourrait tout à fait le faire », explique Markus Asshoff, associé spécialisé en droit social et droit du travail au sein du cabinet d’avocats d’affaires Taylor Wessing.Seul subterfuge pour l’employeur : convaincre tous les salariés qui télétravaillent déjà certains jours de la semaine d’opter pour le vendredi en remplacement d’un autre jour, ou proposer aux salariés qui bossaient déjà à distance d’accepter un jour de plus de télétravail. « Auquel cas, il va devoir renégocier l’accord de télétravail ou la charte, ou obtenir l’accord individuel du salarié », poursuit Markus Asshoff.

Un transfert de charges vers les salariés

Or, les syndicats risquent de voir d’un mauvais œil cette demande, selon Fabrice Angéï : « Sous couvert de sobriété énergétique, l’entreprise en profite pour faire des économies sur le dos de ses salariés, puisqu’elle transfère des dépenses d’énergie sur eux. Sachant en plus que les salariés les plus précaires sont ceux qui vivent le plus dans des passoires énergétiques ».

 
Eric Chevée doute aussi que beaucoup de salariés acceptent de télétravailler un jour de plus, sachant que leurs frais d’électricité et de chauffage augmenteront : « A moins qu’il y ait une contrepartie financière. » Si dans la fonction publique, l’indemnité de télétravail va augmenter au 1er janvier de 15 %, passant de 2,50 à 2,88 euros par jour, dans le secteur privé, la tendance n’est pas la même, selon Audrey Richard, présidente de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH) : « Nous n’observons pas un phénomène de renégociation des indemnités de télétravail en raison de la crise énergétique. »

Un difficile retour en arrière après

Enfin, le télétravail à grande échelle le vendredi poserait aussi un problème RH, selon benoît Serre, vice-président de l’ANDRH : « On a déjà eu beaucoup de mal à faire revenir les salariés en présentiels (après les confinements). Si pour des raisons énergétiques, il y a un mouvement général de fermeture des sièges le vendredi, on ne les fera jamais revenir le vendredi après la crise énergétique. Et l’on glissera progressivement vers l’idée d’une semaine de quatre jours, sans même que cela ne soit préparé ».

Laisser un commentaire

Please enter your comment!
Please enter your name here